Pour les artisan(e)s, la notion d'acompte peut parfois sembler floue ou intimidante. Il est même fréquent que l'on ne se sente pas légitime de demander un acompte pour le travail que nous allons accomplir. Pourtant, loin d'être un tabou, l'acompte est un outil professionnel essentiel qui sécurise à la fois l'artisan(e) et le client. Il est temps de démystifier l'acompte pour l'utiliser de manière professionnelle et se sentir pleinement légitime de le demander.
Les intérêts des acomptes pour l'artisan(e)
Un acompte est une somme versée en avance par le client, qui constitue une partie du paiement d'une commande. L'intérêt de l'acompte est multiple : il protège l'artisan(e) contre les arnaques et les annulations de dernière minute, tout en lui fournissant la trésorerie nécessaire pour l'achat des matériaux et la rémunération des premières heures de production. C'est aussi un signe d'engagement mutuel, souvent couplé à un devis signé et daté, qui renforce la relation de confiance entre le client et l'artisan(e). L'acompte est aussi très largement utilisé dans le cadre des formations afin d'engager le client et d'éviter les désistements de dernière minute qui ne saurait être remplacés.
Quel est le cadre légal autour des acomptes ?
Sur le plan légal, l'acompte engage les deux parties : l'artisan(e) à réaliser la commande et le client à la payer. En cas d'annulation de la commande par le client, l'artisan(e) est en droit de conserver l'acompte. Inversement, si l'artisan(e) ne peut honorer la commande, il doit rembourser l'acompte. Il est donc crucial de bien définir les conditions de l'acompte dans le devis ou le contrat pour qu'il n'y ai aucun effet de surprise.
Quand demander un acompte ?
La décision de demander un acompte est personnelle, mais il existe des seuils pratiques. Si vous ne connaissez pas le client personnellement, envisagez un acompte pour des commandes à partir de 300 à 1000 € TTC. Au-delà, la demande d'acompte devrait être systématique pour sécuriser votre travail et votre investissement.
Quel montant demander pour un acompte ?
Le montant de l'acompte varie généralement entre 10 et 50 % du total. Il doit au minimum couvrir les frais inhérent à l'achat de matière et être suffisamment significatif pour engager le client. Dans le domaine du travail du bois, la matière représente en général 30 % du coût final du projet, ce qui est le montant couramment appliqué pour l'acompte. Lors de projet plus particulier ou la matière dépasse ces 30 %, n'hésitez pas à augmenter l'acompte (il faut donc anticiper pour le noter dans le devis). Pour des stages ou des services, le montant peut être plus flexible mais doit toujours être engageant pour le client (au minimum 50 à 100 €).
Un acompte n’est pas une garantie absolue
Malgré ses avantages, l'acompte n'est pas une garantie absolue contre les arnaques. Il y a quelques semaines, vous avez peut-être entendu cette histoire de commande de 100 pots pour le CE d'une entreprise allemande, notamment relayée par le céramiste Corentin Brison. Plus de 25 céramistes ont reçu par mail une commande de 100 pots pour un comité d'entreprise. Après quelques échanges, la fausse entreprise envoyait un chèque frauduleux, ce chèque servant d'acompte mais il était d'un montant plus élevé que l'acompte déterminé. La fausse entreprise demandait donc aux artisan(e)s de rembourser l'excédent et c'est arrivé à certain(e)s céramistes qui ensuite ont vu leur interlocuteur disparaître avec le virement.
Crédit photo : Hugo St-Laurent
De même, j'ai personnellement connu une entreprise malhonnête qui s'est déclarée en faillite après avoir versé un acompte. Il s'agissait d'un de mes tout premier contrat d'un montant total de 5000 $CA (c'était lorsque je vivais au Québec). Nous avions demandé un acompte d'environ 2200 $CA pour couvrir les matériaux. Il s'agissait de la construction d'un pyramide totem de grande envergure pour un festival à Montréal. Après les festivités, l'entreprise s'est déclarée en faillite et a fuit ses responsabilités (car elle avait fraudé avec une vente d'alcool sans permis d'alcool) et le litige concernait plus de 15 entreprises pour un montant total de plus de 110 000 $CA, donc je ne représentait pas grand chose avec mes 2 800 $CA. Ceci souligne donc l'importance d'une vigilance constante et que même avec cela, les risques existent.
Finalement, l'acompte est un élément clé de la gestion professionnelle de votre activité artisanale. Il sécurise votre travail, renforce la confiance avec vos clients et vous aide à gérer votre trésorerie avec sérénité. En respectant le cadre légal et en faisant preuve de discernement, vous pouvez faire de l'acompte un allié précieux pour votre entreprise. N'oubliez pas : demander un acompte est un signe de professionnalisme, pas d'avidité.
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