Produire des céramiques en série ou des poteries uniques ?
- Axel & Bois

- 26 août
- 8 min de lecture
C’est une question fondamentale que tout·e artisan·e céramiste devrait se poser avant même de lancer son activité : vais-je produire en série ou créer des pièces uniques ?
Ce choix initial — ou cette remise en question en cours de route — va impacter toute l’organisation de ton atelier. Il influence la manière de produire, le type d’outils utilisés, le positionnement tarifaire, la communication visuelle, l’image de marque, et même la relation avec les client·es. Certain·es artisan·es préfèrent la régularité rassurante des séries ; d’autres ne s’épanouissent que dans la spontanéité du modèle unique. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse — mais il est essentiel de choisir une direction claire, en cohérence avec ses envies, ses capacités, et ses objectifs. C’est aussi une réflexion que tu peux mener si tu ressens un besoin de repositionnement, après quelques mois ou années d’activité.
🧱 Les avantages et inconvénients de la production en série de céramique
Produire en série, ce n’est pas renoncer à l’artisanat. C’est choisir une stratégie de fabrication pensée pour la régularité, la rentabilité et l'efficacité. Un choix souvent pertinent… mais qui demande d’être bien cadré.

✅ Les avantages :
Meilleure rentabilité : produire plusieurs exemplaires d’un même modèle permet de mutualiser les gestes, les matériaux et les temps de cuisson. Le coût de revient baisse, et la marge peut être mieux maîtrisée.
Processus optimisé : une fois le design validé, tout est calé : outils, timing, gestes… ce qui libère de la charge mentale au quotidien.
Cohérence de gamme : idéal pour développer une identité forte, reconnaissable, avec des objets qui dialoguent entre eux. C’est un atout en boutique ou en ligne.
⚠️ Les inconvénients :
Risque de lassitude : répéter les mêmes formes peut être source d’ennui, surtout pour les profils très créatifs. Il faut réussir à garder du plaisir dans la répétition.
Image “industrielle” si mal communiquée : dans l’imaginaire collectif, “fait main” rime souvent avec “pièce unique”. Sans pédagogie, la production en série peut être mal perçue. Il est donc essentiel d’expliquer sa démarche, son niveau d’implication et les limites choisies.
👉 Pour aller plus loin sur les implications de la production en série en artisanat, tu peux lire aussi cet article complémentaire :🔗 Être artisan et produire en série
🎨 Les avantages et inconvénients de créer des pièce unique de céramique
Créer des pièces uniques, c’est choisir la voie de la singularité. Chaque objet raconte une histoire, chaque geste est une expression libre. Une approche artisanale assumée… qui demande de jongler avec certaines limites.

✅ Les avantages :
Valorisation du geste et du savoir-faire : chaque pièce devient la trace d’un moment, d’un choix, d’un coup de main. On célèbre ici l’authenticité, la spontanéité, et l’imperfection comme signature.
Différenciation sur le marché : à l’heure des productions standardisées, proposer des objets uniques peut renforcer son positionnement et créer un fort attachement client.
Plaisir créatif renouvelé : chaque création est une exploration. On évite la routine, on s’autorise à tester, à varier, à improviser.
⚠️ Les inconvénients :
Moins de rentabilité : chaque pièce demande un temps spécifique, une réflexion, une attention particulière. Difficile d’optimiser les coûts ou d’augmenter les marges.
Difficulté à standardiser : enchaîner les commandes ou produire à la demande devient complexe. Chaque pièce requiert une attention unique, ce qui complique la logistique.
Communication plus lente : il faut photographier, nommer, présenter chaque création individuellement. Cela demande du temps et de l’énergie, surtout en ligne.
👉 En résumé, les pièces uniques valorisent l’artiste-artisan·e, mais nécessitent un rythme soutenable et une clientèle sensible à cette démarche.
🧭 Choisir une stratégie commerciale cohérente
Que vous soyez tenté·e par la série ou attiré·e par l’unique, votre stratégie commerciale doit être en phase avec votre réalité d’atelier, votre clientèle et vos objectifs. Il ne s’agit pas seulement de ce que vous aimez faire, mais aussi de ce que vous pouvez vendre… et à qui.
🎯 Définir son positionnement
Avant de produire, il faut savoir à qui on s’adresse :
Quel est votre public cible ? (collectionneur·euse, amateur·rice de pièces uniques, boutique déco, restaurateur·rice, potier·ère débutant·e…)
Quel prix pouvez-vous proposer ? (et donc, quel coût devez-vous supporter ?)
Quel réseau de diffusion privilégiez-vous ? (boutique physique, marché, site internet, Instagram, revendeur…)
Vos choix influeront directement sur le type d’objet à produire, son niveau de finition, son rythme de fabrication, et sur la narration autour de votre travail.
🛠️ Adapter sa production
Produire des séries cohérentes (gammes d’assiettes, tasses ou outils) pour les boutiques ou la vente en ligne nécessite des formes reproductibles, une bonne gestion des stocks, une logistique rodée.
À l’inverse, proposer des pièces uniques en galerie ou en exposition implique un rythme plus lent, un storytelling plus poussé, et une tarification plus élevée.
Il est aussi essentiel de rester réaliste : vos capacités de production, votre équipement, votre temps disponible et votre envie doivent guider votre choix, pas uniquement une tendance ou une demande extérieure.
💡 Exemples de stratégies hybrides
Certain·es artisan·es réussissent à mixer les deux approches intelligemment :
Séries de base + pièces uniques d’exception : une gamme accessible qui fait vivre l’atelier, et des créations plus audacieuses en parallèle.
Objets fonctionnels en série + créations artistiques ponctuelles : pour équilibrer revenu régulier et liberté créative.
Petites séries semi-uniques : on reproduit une forme, mais chaque décor est différent. Cela permet d’optimiser tout en gardant une touche artisanale forte.
👉 L’essentiel : avoir une ligne claire, que vos client·es puissent comprendre et reconnaître. Ce n’est pas tant le choix qui compte, mais sa cohérence.
⚙️ Optimiser sa production
Quel que soit ton choix – série ou pièce unique – l’optimisation du processus de fabrication reste un enjeu central. L’idée n’est pas de produire « plus » pour produire, mais de mieux organiser ton temps, tes gestes et ton matériel pour que chaque heure passée à l’atelier ait le plus d’impact possible.
📏 En production en série :
Standardiser certaines étapes (formes, tailles, émaillage) permet de gagner un temps considérable.
Investir dans des outils adaptés comme les moules d'estampage, les calibreuses ou les baguettes d’épaisseur facilite la répétabilité sans sacrifier la qualité.
Organiser son espace de travail pour minimiser les déplacements et les pertes de temps (par exemple en regroupant les postes par tâches).
🎨 Pour les pièces uniques :
Clarifier son processus créatif permet d’éviter de s’éparpiller : on peut cadrer ses recherches sans brider l’inspiration.
Préparer ses matériaux en amont, avoir un stock de formes de base ou de tests techniques accélère la mise en œuvre sans rogner sur la singularité.
Documenter ses projets (croquis, recettes, méthodes) peut paraître fastidieux… mais c’est un gain énorme pour reproduire ou décliner une pièce si besoin.
👉 Dans les deux cas, l’optimisation n’est pas un synonyme d’industrialisation, mais un moyen de retrouver du confort et de l’efficacité dans son quotidien de céramiste.
🗣️ Bien communiquer sur sa démarche de production
Votre manière de produire fait partie intégrante de votre identité de marque. Encore faut-il la rendre lisible pour votre communauté et vos client·es. Dans un monde saturé d’images et de produits, la clarté du message est votre meilleure alliée.

🎯 Créer une narration cohérente
Qu’il s’agisse de séries artisanales ou de pièces uniques, il est important de raconter votre démarche. Pourquoi ce choix ? Qu’est-ce qu’il implique au quotidien ? En quoi est-il aligné avec vos valeurs ?
👉 Cette narration permet de créer du lien, d’impliquer vos client·es dans votre processus créatif, et de valoriser les prix que vous pratiquez.
🎥 Montrer les coulisses
Les coulisses sont souvent ce qui différencie un produit artisanal d’un produit industriel. En montrant :
le travail de recherche,
les gestes de fabrication,
l’organisation des collections ou les essais de formes uniques…
… vous donnez de la profondeur à vos créations. Et vous éduquez en douceur votre audience à ce que représente réellement le fait-main.
⚠️ Clarifier les mots
Le terme production en série peut facilement prêter à confusion. Pour éviter que vos client·es l’associent à de la fabrication industrielle impersonnelle, vous pouvez :
préciser que c’est une série artisanale, faite à la main, en petite quantité.
mettre en avant les variations naturelles entre chaque pièce.
insister sur les valeurs de durabilité, d’authenticité, de circuit court.
👉 Une communication claire évite les malentendus et permet de construire une relation de confiance avec vos client·es.
💬 Vendre selon le mode de production choisi
Une fois votre mode de production défini, il est temps de penser à la mise en vente. Car vendre une pièce unique ne se fait pas de la même manière qu’une série. L’approche, les mots, les tarifs et même le calendrier doivent être pensés en fonction.
💸 Une tarification adaptée
Pièce unique = valeur singulière
Chaque création raconte une histoire. Son prix doit refléter le temps, l’intention et l’unicité qu’elle incarne. L’argumentation repose sur la rareté, l’émotion et l’intuition.
Production en série = cohérence et accessibilité
Ici, on vend une gamme pensée pour être cohérente et efficace. Les prix doivent être structurés, justifiés par les matériaux, le temps, le positionnement de la marque.
👉 Un même objet ne se valorise pas de la même manière selon le contexte dans lequel il est vendu. D’où l’importance d’un discours commercial adapté.
🧺 Proposer des formats d’offre variés
Pièces uniques ou très petites séries : mises en avant individuelles, storytelling soigné, visuels détaillés, et publication plus espacée mais plus scénarisée. C'est un format clairement mis en avant par Cassisiss - Studio Pheebs
Collections ou gammes : lancements groupés, nommage des collections, possibilité de proposer des lots, une page dédiée ou un espace boutique plus structuré. La Chouette Céramique est très douée pour mettre en avant ses collections.
Séries limitées : excellent compromis pour injecter de l’urgence et de la rareté dans une production semi-standardisée.
📆 Penser la régularité
Quel que soit le modèle choisi, la régularité de publication, de mise en vente et de communication est essentielle.
Vos client·es développent des habitudes de consommation : si vos offres sont trop aléatoires, elles risquent de passer à côté. À l’inverse, une communication structurée (lancements saisonniers, drops, ventes éphémères, collections trimestrielles…) crée des repères.
Cela vous aide aussi à planifier votre production et éviter les pics de surcharge.
👉 En somme, votre mode de production influence directement comment, à quel rythme et avec quels mots vous vendez vos créations.
⚖️ Et si je veux faire les deux ?
Entre production en série et pièces uniques, le choix peut sembler difficile. Et la tentation de mixer les deux est bien réelle. Bonne ou mauvaise idée ? La réponse est nuancée.
✅ Oui, c’est possible… mais attention
Beaucoup d’artisan·es choisissent une approche hybride : produire une gamme stable en série, tout en gardant un espace de liberté pour des pièces uniques. Cela permet de sécuriser une base de revenus tout en nourrissant son besoin de création.
Mais cette double stratégie peut vite brouiller votre image si elle n’est pas clairement pensée et expliquée.
⚠️ Un risque de confusion
Votre clientèle ne comprend pas forcément les subtilités entre :
série artisanale (faite à la main, en nombre limité),
production industrielle,
pièce unique issue d’une recherche personnelle.
👉 Si vous mélangez tout sans le raconter, votre message devient flou. Cela peut fragiliser votre positionnement, voire faire douter de votre authenticité ou de vos prix.
🧭 Quelques conseils pour rester lisible
Dissociez clairement vos gammes : donnez-leur des noms distincts, des visuels cohérents, des fiches produits différenciées.
Utilisez différents canaux si besoin : par exemple, vendre les séries en boutique et les pièces uniques en exposition ou en direct.
Expliquez votre démarche dans vos communications (newsletter, stories, à propos, etc.).
Affirmez vos choix : si vous faites les deux, ce n’est pas un “manque de cohérence”, c’est une richesse assumée.
Choisir entre produire des pièces uniques ou travailler en série est loin d’être une décision anodine. Ce choix influence non seulement votre manière de créer, mais aussi votre communication, vos tarifs, vos client·es, et votre positionnement global.
Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse universelle. Il y a ce qui fonctionne pour vous, selon vos envies, vos contraintes, vos objectifs — et la façon dont vous souhaitez faire vivre votre métier. Le plus important : que cette décision soit cohérente, assumée, et compréhensible pour votre public.








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