Dans mon atelier, où l'espace est compté et les robustes machines en fonte règnent, je privilégie des outils qui maximisent l'efficacité sans m'encombrer. Les outils moins fréquemment utilisés trouvent refuge dans le grenier, prêts à être mobilisés. Cet article met en lumière ces instruments, qui bien que souvent ignorés, sont des pépites d'efficacité dans mon atelier d'ébénisterie.
Un ensemble de grandes règles
Cet assortiment de règles longues n'est pas destiné à la mesure, mais constitue un excellent moyen de traçage. Elles ont été créées à partir de restes de plexiglas jaune de 6 mm d'épaisseur issus d'un ancien projet. Plutôt que de les laisser dormir dans un coin, j'ai décidé de les recycler en règles de traçage. Cet ensemble comprend 10 règles d'environ un mètre de long, avec des largeurs variées allant de 5 à 50 mm. Grâce à elles, je peux aisément tracer les dimensions de mes coupes en juxtaposant plusieurs règles pour obtenir la largeur voulue. Elles me sont également utiles pour dessiner diverses lignes dans mes créations. Et leur teinte jaune ajoute une touche de peps à l'atelier, vous ne trouvez pas ?
Petit marteau d'appoint
Le premier atout de ce mini-marteau, c'est son allure franchement craquante. Mais au-delà de son esthétique, il est d'une utilité remarquable. C'est un de ces outils que je garde toujours à portée de main, car son usage est quotidien. Il me sert à planter des clous avec une grande précision, à pointer des centres avec un poinçon, à ajuster des butées sur mes machines avec une précision au dixième de millimètre, et tout cela sans encombrer mon espace de travail. Sa véritable puissance réside dans sa capacité à exercer une force modérée, ce qui me permet de contrôler parfaitement le moindre coup et d'obtenir le mouvement subtil nécessaire à mes tâches.
Le couteau d'atelier : de l'opinel au couteau de sculpture
Personnellement, je ne suis pas fan des cutters. Ils sont certes pratiques et toujours tranchants, mais ils encouragent une certaine négligence qui nous éloigne de l'art de l'affûtage. Lorsqu'on a besoin de cette compétence, on se retrouve dépourvu. C'est pourquoi vous ne trouverez pas de cutters dans mon atelier. À la place, j'ai disposé des couteaux à des endroits stratégiques, chacun dédié à une tâche spécifique. Mon Opinel est un outil multifonction qui me permet de couper une variété de matériaux, du carton au placage, en passant par le papier et le scotch, sans oublier de tailler mes crayons. J'ai un autre Opinel moins entretenu pour étaler de la pâte à bois, et un couteau de sculpture pour travailler le bois quand le besoin s'en fait sentir. Mon Opinel principal est tout aussi versatile qu'un cutter, avec l'avantage que je n'ai jamais à remplacer la lame ou à en acheter de nouvelles.
Le marche-pied
N'étant pas particulièrement grand, il m'arrive souvent de peiner à atteindre certains outils ou matériaux placés en hauteur. Pour éviter de grimper sur une chaise bancale ou un morceau de bois improvisé, je me fie à mon fidèle petit marchepied, toujours prêt à l'emploi dans mon atelier. Il me sert également de siège d'appoint, bien plus confortable que le sol pour travailler. Lorsqu'il s'agit de monter un peu plus haut pour assembler ou apporter la touche finale à un meuble, il est là aussi. Et quand je me déplace pour installer mes œuvres chez les clients, il est d'une grande aide, bien plus maniable qu'un escabeau encombrant. Avec ses 25 cm de hauteur, il est souvent tout ce qu'il faut pour me donner l'élan nécessaire sans encombrer l'espace.
Le rabot miniature
Tout comme le mini-marteau, il est indéniable que ce mini-rabot a un charme certain avec sa petite taille. Encore plus compact qu'un rabot de paume, il trouve sa place dans mon atelier pour une tâche bien précise. Je l'emploie essentiellement pour créer de délicats chanfreins, une alternative plus rapide et tout aussi efficace que l'élimination des arêtes vives au papier à poncer. Le résultat est uniforme et élégant sur toute la longueur de l'arête.
Le Guillaume
Qui ça ? Le guillaume, bien sûr ! C'est un rabot dont la particularité est d'avoir une lame, ou fer, aussi large que le corps du rabot lui-même. Cette caractéristique est idéale pour travailler des zones situées dans des recoins, notamment ceux des assemblages. Je l'ai récemment utilisé intensivement pour façonner des tenons. Je commence par ébaucher mes assemblages avec mes machines à bois, puis je peaufine la finition avec le guillaume, ce qui me permet d'ajuster précisément mes pièces les unes aux autres. Mon modèle est un Stanley N° 190, un outil américain produit entre 1898 et 1958. Sa lame est d'une efficacité redoutable et conserve son tranchant pendant longtemps.
Le racloir à bois, efficace et polyvalent
Le racloir à bois est souvent vanté pour sa capacité à éliminer peinture ou finition avec aisance, et il excelle effectivement dans cette fonction. Cependant, je le trouve particulièrement utile pour retirer les surplus de colle après un assemblage. Il est également pratique pour égaliser deux surfaces collées ensemble qui auraient pu bouger légèrement. Un racloir bien aiguisé peut laisser un fini lisse et brillant, comparable à celui obtenu avec du papier de verre de grain 180. Il se substitue donc avantageusement à un racloir d'ébéniste, que je trouve plus complexe à manier et à affûter. Le racloir à bois, lui, se réaffûte très facilement : un passage sur un touret suffit. Sur un chantier, j'utilise une lime à métaux pour l'aiguiser, et le résultat est tout aussi satisfaisant.
Les sangles à cliquet
Ceux qui se sont déjà essayés à la confection de boîtes en bois connaissent probablement l'utilité des sangles à cliquet. En effet, ces sangles peuvent avantageusement remplacer les serre-joints lors du collage. Il est toutefois nécessaire de protéger les coins de l'ouvrage que l'on souhaite assembler, en utilisant du carton par exemple. Les sangles offrent un serrage homogène et empêchent les surfaces de glisser l'une contre l'autre, ce qui est particulièrement utile pour l'assemblage de boîtes avec des coupes en onglet. Ces sangles me sont aussi très utiles lorsque je transporte des matériaux ou des produits finis dans un véhicule.
L'affiloir de poche
Je me rappelle avoir acquis cet outil par méprise, croyant qu'il s'agissait d'un affiloir destiné à aiguiser un racloir d'ébéniste. Or, il s'est avéré qu'il n'était pas tout à fait approprié pour cette tâche. Doté d'une surface abrasive en diamant, cet outil est en fait presque un fusil diamanté. De par sa petite taille, il est très maniable et permet d'aiguiser une variété de lames, ainsi que de redonner du tranchant à des outils à profil courbe tels qu'une gouge, une plane, un fer de toupie ou encore une mèche de défonceuse.
Le cuir à polir
Le cuir à polir est un élément essentiel dans le processus d'affûtage, bien que je n'en aie pas souvent vu dans les ateliers que j'ai visités. C'est un outil que l'on peut aisément confectionner soi-même, en recyclant une vieille ceinture par exemple. Je ne me considère pas comme un expert en affûtage, mais le cuir à polir est un allié précieux pour obtenir un fini miroir et une surface de coupe digne d'un rasoir. Il est important de réaliser un affûtage préalable soigné des surfaces et des biseaux, car le cuir à polir intervient en tant que touche finale. Bien qu'on trouve désormais des cuirs montés sur des tourets à meuler, l'utilisation manuelle reste très efficace et permet de réserver le touret pour d'autres meules d'affûtage.
Bonus : Le "Tubacon"
Le dernier outil, mais non le moindre, est à la fois simple et indispensable dans mon quotidien d'atelier. Il se révèle extrêmement pratique pour la mécanique sur mes machines à bois, où il sert à décupler ma force grâce à l'effet de levier qu'il procure. Ce même principe de levier est aussi très utile lors des collages, me permettant de serrer mes serre-joints avec vigueur sans avoir à solliciter mes poignets. J'ai en effet constaté que le serrage répété pouvait aggraver ma tendinite au poignet. L'utilisation de ce tube métallique pour augmenter ma force et ainsi ménager mes efforts a été l'un des ajustements que j'ai faits pour prévenir la tendinite. Et pourquoi le surnom "tubacon" ? C'est assez simple : il amplifie tellement la force que parfois, en glissant, il peut venir me frapper. Il m'a donc aidé à serrer "autant que je suis con", pour reprendre l'expression populaire dans les ateliers.
Chaque ébéniste a ses petits secrets, ses astuces et ses outils fétiches qui rendent son travail unique. Ces dix outils, bien que souvent sous-estimés, sont les alliés silencieux de mes créations. Ils témoignent de l'importance de l'adaptabilité et de la personnalisation de l'espace de travail. Que vous soyez un artisan chevronné ou un amateur passionné, n'oubliez pas de donner une chance à ces outils modestes. Ils pourraient bien transformer votre manière de travailler et vous faire découvrir des facettes insoupçonnées de votre art. Après tout, c'est dans les détails que se révèle le génie de l'ébéniste.
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